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Return to Equinoxes, Issue 4 :Automne/Hiver 2004-2005
Article ©2004, Laura Spear

Laura Spear, University of Illinois, Urbana-Champaign

La Peau : Métaphore macabre dans A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie d'Hervé Guibert

Hervé Guibert, auteur “polymorphe”—“photographe, journaliste, écrivain, chroniqueur de photographies, scénariste et vidéaste”—condamné par le sida, a laissé de nombreux ouvrages où “les frontières entre auteur et sujet sont floues” et qui décrivent ses expériences avec cette maladie mortelle dont A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie (1990) (Boulé 527). Il est mort du sida en 1991. Avec la description de la souffrance physique et morale, Guibert fait l'aveu du sida à lui-même, aux amis, à la société et au livre. La peau est surtout importante à l'aveu parce que les modifications de la peau (la zona, les ganglions) sont une indication, une sorte d'aveu silencieux aux amis qu'il n'est pas en parfaite santé et à lui-même que le danger du sida s'aggrave dans son corps.

Guibert fait souvent des remarques sur les déformations de sa propre peau ou de la peau des autres soupçonnés d'avoir le sida. Un des premiers signes du sida qu'il mentionne est sa “zona” (18). Puis, il découvre sous sa langue “de petits filaments blanchâtres, papillomes sans épaisseur” qu'il nomme plus tard, peut-être pour les rendre moins étrangers ou médicaux, “ce champion de ma langue” (143, 151). Après le “champion,” il remarque des “plaques d'eczéma sur les épaules,” donc les symptômes deviennent plus grands et plus apparents au public (178). Il constate ensuite “qu'un ganglion un peu douloureux gonflait à gauche de la pomme d'Adam” (179). Les signes deviennent aussi plus lourds et plus difficiles à cacher sous des vêtements.

Il note non seulement ses propres symptômes mais aussi ceux qu'il observe sur la peau des autres. Son ami Jules a “le corps couvert de ganglions” (40). Un amant de Jules, Arthur, a “des taches et des croûtes sur tout le corps” (61). Avant de mourir, Muzil dans le lit de l'hôpital est “parsemé de taches de rousseur” (98). Le pire pour lui, c'est l'enfant de Berthe, Titi, “qui a une éruption de plaques rouges sur tout le corps” (224).

Dans le texte, Guibert établit un rapprochement entre la peau et le sida parce qu'on traitait les premiers cas du sida dans les cliniques dermatologiques (31). Guibert avoue même ses idées fausses sur la maladie, croyant que le sida peut se transmettre par la peau. Après avoir vu Muzil, il dit: “je savonnai ces lèvres, avec honte et soulagement, comme si elles avaient été contaminées” (106). Même Bill, le chercheur scientifique, préfère s'adhérer plus aux mythes qu'aux vérités de la maladie. D'après Bill, puisque Guibert “n'a[s] pas la peau trop jaune,” il ne devrait pas trop souffrir (255).

La peau importe au texte parce qu'elle expose les premiers signes apparents de la maladie, visibles au malade et à ses amis; donc la peau fait l'aveu ou est l'aveu du sida pour Guibert parce que son corps squelettique et les déformations de l'épiderme sont des indications incontestables aux autres d'une maladie. La peau, la façade extérieure, indique l'état de l'individu, en créant une distinction entre la bonne et la mauvaise santé. Dans Le Moi-peau , Didier Anzieu constate que la seconde fonction de la peau, “c'est l'interface qui marque la limite avec le dehors et maintient celui-ci à l'extérieur, c'est la barrière qui protège de la pénétration par les avidités et les agressions en provenance des autres, êtres ou objets” (39). La peau est une sauvegarde contre les maladies provenant des individus infectés, mais si la peau n'a pas son teint naturel, une maladie comme le sida l'a déjà transpercée, la rendant faible pour d'autres contagions. Dans cet essai, je suggère que la peau est une métaphore du sida qui agit aussi comme une barrière dans la vie de Guibert. Le sida, comme la peau, est une indication que le corps a traversé la barrière entre la bonne et la mauvaise santé, menant à la détérioration des relations amicales, et finalement à la mort.

Comme la peau, le sida est la raison de l'aveu aux amis mais elle agit aussi comme une barrière empêchant l'aveu aux amis. La barrière est décrite par Guibert comme une barrière “spectrale” entre lui et ses amis. Il sent la présence de cette barrière mais ne l'aperçoit pas clairement, comme un spectre qui échappe à sa vue. Guibert éprouve un conflit en faisant cet aveu que sa peau rend inévitable et qui lui fait perdre un certain nombre d'amis comme Bill et garder un petit cercle d'amis proches comme Jules et Berthe.

Je me concentre sur le rapport entre ces trois amis: ami-sida, ami-livre, et ami(e)-société. L'ami-sida, la barrière de la “peau,” est la représentation métaphorique de la maladie que Guibert dépeint comme un véritable personnage dans le texte. L'ami-livre est le journal qui contient les expériences personnelles et médicales de Guibert avec le sida. L'ami-société est le petit cercle d'amis que Guibert garde en faisant l'aveu. Après l'aveu, on pourrait appeler l'ami-société “l'ami-amis” parce que Guibert n'a plus le choix des amis dans la société mais seulement le cercle intime qui reste près de lui. Je voudrais montrer comment l'ami-sida, instigateur de l'aveu comme la peau contaminée, entre dans les rapports de Guibert avec l'ami-livre et l'ami-société et agit comme une barrière à l'aveu du sida, à l'expression de soi, à l'innocence de Guibert, et à une vie menée normalement et sans la maladie.

Je choisis “ami” pour qualifier chaque élément de mon étude, le sida, le livre et la société d'amis parce que, pour les deux premiers, Guibert les personnifie au point de leur donner des caractéristiques humaines, comme de vrais “amis” qui lui tiennent compagnie à travers toutes les difficultés de sa santé. La société d'amis entourant Guibert est qualifiée de même parce qu'elle forme un groupe composite avec qui Guibert communique ses peurs et ses craintes. Je fais une distinction dans cette société d'amis plus loin où elle se divise après l'aveu et un groupe moins nombreux reste entourant Guibert de son soutien. La rubrique “amis” convient tant aux objets du sida et du journal qu'aux véritables individus de la société parce que chacun joue son rôle d'ami dans la vie de Guibert. “L'ami” est non seulement un thème important comme indiqué par le titre, mais chaque type d'ami, l'ami-sida, l'ami-livre, et l'ami-société, participent au progrès de la maladie mortelle envahissant la peau de Guibert. Les trois amis font partie de la métaphore macabre et sociale de la peau.

L'ami-sida

Comme la peau régnant sur les signes extérieurs visibles aux autres, l'ami-sida commence à contrôler certains aspects de la vie de Guibert, créant des obstacles qui ne lui permettent plus d'avoir la même vie et les mêmes amis qu'avant la maladie. L'ami-sida modifie la vie de Guibert au point que l'on peut l'envisager comme un véritable personnage en chair et en os. D'abord, le sida présente une barrière entre la vie et la mort en lui annonçant infailliblement qu'il va mourir tôt ou tard mais en lui permettant un peu de temps pour penser à la vie et à faire ses aveux, comme une periode de transition entre la vie et la mort. Selon Jules, le sida est “une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir la vie” (192). Le sida n'apprend vraiment rien mais renforce seulement ce que Guibert sait déjà, qu'il va mourir de cette maladie. L'ami-sida est presque la permission de mourir, l'accès à l'au-delà. Guibert sait qu'il a un temps limité pour faire ses aveux aux amis et au livre avant que la peau laisse trop apparaître la vérité. L'ami-sida lui rappelle que le temps passe et que la mort s'approche.

Dans la barrière entre la vie et la mort créée par l'ami-sida, l'accent est toujours mis sur le côté “mort,” même si Guibert voudrait se concentrer sur le côté “vie.” Dans “Hervé Guibert: Writing the Spectral Image,” Donna Wilkerson remarque l'accent mis sur la mort dans l'oeuvre de Guibert: “[…] the figure of death—the spectral image—is always present; it is the leitmotif that haunts the text” (285). L'accent sur la mort se voit dans les maintes fois que la maladie est désignée comme un “spectre terrible” ou un “spectre” (32, 164). L'ami-sida personnifie la mort se promenant autour de Guibert et de ses amis séropositifs. Le fantôme ou le “spectre” suivent les séropositifs, les hantent comme des monstres, et les condamnent. L'ami-sida peut être “l'ami qui ne m'as pas sauvé la vie” mais aussi l'ami que l'on ne veut pas, l'ami de qui on ne peut pas se cacher, qu'on ne peut pas délaisser. Cet ami macabre est l'image lancinante de la mort de Guibert. La peau montre que l'ami-sida fait partie de son corps et ne le quittera pas avant sa mort.

Le spectre du sida entre dans l'acte de l'aveu de Guibert à ses amis, à l'ami-société, comme Jules, Bill, et Berthe, et crée des obstacles dans ses rapports amicaux et amoureux qu'il n'aurait pas sans donner du “crédit” au sida (175). En se servant des termes corporels relatifs à la peau, Guibert décrit l'aveu du sida comme fait “aux amis qui se comptent sur les doigts d'une main,” “à ces quelques amis,” à “cette poignée d'amis” (9-10). Quand Guibert décrit son groupe d'amis, il utilise toujours des termes signifiant une quantité négligeable. Le peu d'amis est comparé à une seule partie du corps—les “doigts,” la “main,” et la “poignée”—alors que son groupe d'amis avant l'aveu du sida est comme la totalité du corps. Par l'aveu, l'ami-sida réduit le nombre d'amis de Guibert à ce petit groupe intime avec qui il partage sa douleur et sa souffrance. Comme le “spectre” a abîmé le corps de l'ami-société, l'ami-sida abîme le corps et la peau de Guibert jusqu'à en faire un squelette quand la Mort le prendra pour de bon. En avouant qu'il a cette maladie mortelle peu connue, Guibert perd des amis qu'il aurait pu garder sans le sida mais garde un groupe intime comme Jules et Berthe, l'ami-amis, qui comprennent et partagent sa peine.

L'ami-amis

Jules, un ami qui fait partie de l'ami-amis, partage la même maladie que Guibert. Après l'aveu mutuel du sida, Guibert raconte les difficultés dans ses relations amoureuses avec Jules: “Il était devenu ardu, pour Jules et pour moi, de rebaiser ensemble, bien entendu il n'y avait plus rien à risquer qu'une recontamination réciproque, mais le virus se dressait entre nos corps comme un spectre qui les repoussait” (164). Ici, il est facile de voir l'ami-sida, “le virus [qui] se dressait,” comme une barrière entre Jules et Guibert, les empêchant de jouir de l'acte sexuel. De même, la déformation de la peau de Guibert, “ce champion de ma langue […] limit[e] encore les rares relations physiques que je continuais d'entretenir avec deux personnes” (151). La maladie et la peau infectée agissent comme des barrières à la sensualité en leur rappelant la mort. L'ami-sida prend la forme d'un envahisseur les empêchant de mener leur vie comme ils désiraient. Il y a aussi peut-être un voile de honte entre Jules et Guibert. En voyant leur peau contaminée, ils se sentent honteux de transmettre la maladie à quelqu'un d'autre, même s'ils savent par leurs aveux que l'autre a aussi le sida.

Malgré la barrière créée par l'ami-sida entre Guibert et Jules, Hervé pense que l'aveu crée une solidarité entre les deux corps:

Deux sidas c'était trop pour un seul homme, puisque j'avais désormais la sensation que nous formions un seul et même être, sans miroir au milieu, et que c'était ma voix aussi que je recouvrais quand je lui parlais au téléphone, et que c'était mon propre corps que je reconquérais chaque fois que je prenais le sien entre mes bras, ces deux foyers d'infection latente étaient devenus intolérables à l'intérieur d'un seul corps. (180)

Guibert pense que l'aveu du sida rapproche les deux séropositifs, Jules et lui. Recevant les résultats de la clinique ensemble, ils ont fait l'aveu au même moment. Ils souffrent en même temps de la maladie, une souffrance à deux. Le “seul et même être” formé par l'expérience du sida donne l'impression d'un monstre-sida, une combinaison de deux squelettes ou de corps détruits. Guibert fait une identification complète avec Jules sans avoir besoin de miroir pour confondre les deux corps. En fait, Guibert se voit dans tous les séropositifs, non pas seulement dans Jules, et il ressent une solidarité avec eux aussi parce que l'aveu le lie au monde des malades. S'il est rejeté par d'autres à cause de l'aveu du sida, il peut toujours rejoindre les séropositifs au sein de l'ami-amis. L'identification totale de Guibert avec Jules, une sorte d'union entre deux peaux, est aussi une réponse au spectre du sida qui essaie d'installer une barrière entre lui et l'ami-société. Deux corps en un seul forment une sorte de peau qui protège les deux amis du reste du monde et des barrières du sida qui normalement forment un gouffre entre Guibert et ses compagnons. Guibert aimerait être uni à Jules et non plus souffrir tout seul du sida, loin et séparé de l'ami-société.

Mais les “deux foyers d'infections […] intolérables,” les corps de Guibert et de Jules, ne sont plus en harmonie parce que l'ami-sida crée de l'angoisse dans leur rapport et élimine la paix, en empêchant les relations sexuelles. D'après Anzieu, la troisième fonction de la peau est de servir de “moyen primaire de communication avec autrui, d'établissement de relations signifiantes” (39). Normalement la peau est un lieu de plaisir où existe la possibilité de l'union sensuelle, mais une fois la peau infectée le moyen de communication si efficace se détruit et la peau installe une barrière de conscience entre les deux séropositifs qui les force à reconnaître la modification de leurs corps dûe à l'invasion du sida.

La division devient plus grande et irréversible quand Guibert remarque: “Jules était ma maladie, il la personnifiait, et j'étais sans doute la sienne” (181). Après l'aveu, Guibert et Jules essaient de continuer leurs relations comme avant, mais le corps de Jules devient de plus en plus possédé par l'ami-sida jusqu'à ce qu'il devienne la maladie elle-même pour Guibert. Hanté par le sida, Guibert remarque que le spectre est entré dans le corps de Jules et le possède complètement, séparant Guibert de Jules pour toujours. Jules devient la barrière même du sida. L'unité que Guibert espère avoir dans les rapports avec ses amis séropositifs finit par être une solidarité artificielle et superficielle. Comme la peau des séropositifs se détériore avec la progression du virus, l'union amoureuse ne dure pas longtemps. L'aveu de la maladie brise ces rapports amicaux et permet à l'ami-sida d'exister partout.

L'ami-livre

L'autre ami affecté par l'intrusion de l'ami-sida dans la vie de Guibert est l'ami-livre, le journal où il écrit son expérience et sa souffrance avec le sida. Guibert décrit le livre qu'il écrit comme un ami: “un compagnon, un interlocuteur, quelqu'un avec qui manger et dormir, auprès duquel rêver et cauchemarder, le seul ami présentement tenable” (12). Le livre sert aussi d'intermédiaire entre l'ami-sida et l'ami-société ou l'ami-amis. Guibert avoue plus facilement qu'il a le sida au livre qu'aux amis dont l'aveu il peut écrire dans le journal. C'est un ami neutre et fidèle qui ne juge pas et qui ne le considère pas comme un devenir-mort, alors que l'ami-sida juge et condamne Guibert à la mort. Néanmoins, l'ami-livre est dangereux parce qu'il garde les secrets et les souvenirs de la souffrance pour toujours, les empreintes indélébiles que Guibert n'aurait l'intention de partager avec personne.

Un des secrets gardés dans le journal est la maladie de Muzil. En rentrant, Guibert décrit la honte qu'il ressent en lavant les parties de sa peau qui ont touché son ami infecté par le sida:

Et j'étais tellement honteux et soulagé que je pris mon journal pour l'écrire à la suite du compte rendu de mes précédentes visites. Mais je me retrouvais encore plus honteux et soulagé une fois que ce sale geste fut écrit. De quel droit écrivais-je tout cela? De quel droit faisais-je de telles entailles à l'amitié? Et vis-à-vis de quelqu'un que j'adorais de tout mon coeur? Je ressentis alors, c'était inouï, une sorte de vision, ou de vertige […] ce qu'on appelle une prémonition, un pressentiment puissant […]. (106-107)

Dans ce journal, Guibert écrit l'aveu du sida de Muzil que son ami ne ferait pas lui-même à ses propres compagnons. Il a honte d'avoir violé le sujet de Muzil parce qu'il fait l'aveu sans la permission du mourant et qu'il croit compromettre l'amitié de Muzil par cet acte. Guibert se reproche cet acte d'écriture et se sent honteux d'endommager une amitié qui lui est chère. L'ami-sida entre dans l'acte d'écrire l'aveu dans le journal comme dans l'acte sexuel entre Guibert et Jules et crée un obstacle et une contradiction entre “honteux” et “soulagé.” Guibert est soulagé d'avoir désinfecté sa peau et d'avoir fait la confession de sa honte et de la maladie de Muzil, mais il est honteux de son comportement qui montre la saleté et la contagion de son ami parce qu'il pressent qu'il a ou aura la même maladie.

L'ami-sida crée aussi une barrière devant la paix ou l'innocence parce que Guibert se sent honteux en se lavant les mains après sa visite avec Muzil. En avouant l'infection de Muzil à son journal, il pense être infidèle à un ami et se sent honteux de ses actions. La peau joue un rôle important ici parce qu'en désinfectant la peau, il infecte son besoin d'écrire ou sa conscience en relatant la souffrance de Muzil, faisant dresser une barrière devant la liberté d'écrire et la liberté d'esprit. Le spectre de l'ami-sida entre Jules et Guibert devient un “vertige” ou une “vision” qui se dressent devant lui pour l'avertir de sa mort prochaine du sida. Le côté surnaturel apparaît ici en lui envoyant le pressentiment qu'un jour il devra faire le même aveu qu'il a fait pour Muzil à lui-même et à son journal. En ce qui concerne le côté dangereux de l'ami-livre, l'ami-sida vient avertir Guibert de sa mort future à travers l'acte d'écrire l'expérience de Muzil.

L'ami-livre évoque la mort clairement à deux reprises au moins dans le texte quand Guibert l'appelle “mon livre condamné” (145, 136). Dans “Fantom Images: Hervé Guibert and the Writing of ‘sida' in France,” Emily Apter remarque que les livres de Guibert “resemble working notebooks dispatched from the land of ghosts” (83). Après l'aveu, le spectre de l'ami-sida, représentatif de la mort, forme une partie inévitable du livre comme des amitiés de Guibert. L'ami-sida entre dans le corps du livre et le condamne comme il a fait à Guibert. Il est condamné parce que c'est un livre d'un condamné dans lequel il s'agit de la mort, du sida et de l'aveu de cette maladie mortelle. Ce n'est pas n'importe quel livre, mais le livre d'un condamné. L'ami-sida crée un obstacle devant le prolongement du livre en le condamnant de s'arrêter à la mort de Guibert. L'ami-livre, dépositaire d'aveux, mourra avec Guibert, même si le livre continuera à être lu en public.

Tous les amis du livre, l'ami-sida, l'ami-amis et l'ami-livre, constituent le moi de Guibert, son être corporel et symbolique. La métaphore de la peau, le sida, forme une barrière entre la vie et la mort pour les séropositifs et entre dans les rapports de l'ami-sida avec l'ami-amis et l'ami-livre, créant des obstacles devant la conscience de l'aveu. La “peau,” l'ami-sida, est vouée à la mort. La barrière de la peau contaminée présente des difficultés dans les rapports avec l'ami-amis comme une contagion et une preuve visible de l'infection. Les éléments de l'ami-amis pour Guibert, Jules et Berthe, sont comme lui condamnés à mort par le sida. Comme les deux autre amis, l'ami-livre, à travers l'acte d'écrire l'aveu du sida, est condamné à mort, à ne pas continuer après la mort de Guibert. Après l'aveu de la maladie à lui-même et aux amis, les trois amis sont condamnés à mort comme Guibert à qui il est constamment rappelé à travers ses rapports avec le sida, ses amis proches, et son journal qu'il n'aura pas une vie prolongée mais raccourcie par la “peau” contaminée du sida.


Laura Spear is a PhD candidate in French Studies at the University of Illinois at Urbana-Champaign. Her research interests include identities in 19 th and 20 th century French crime fiction.

Laura Spear prépare son doctorat en études françaises à l'Université d'Illinois à Urbana-Champaign. Elle s'intéresse au sujet des identités dans le roman policier français du 19e et 20e siècles.


Bibliographie

Anzieu, Didier. Le Moi-peau . Paris: Bordas, 1985.

Apter, Emily. “Fantom Images: Hervé Guibert and the Writing of ‘sida' in France.” Writing AIDS: Gay
Literature, Language, and Analysis . Eds. Timothy Murphy and Suzanne Poirier. New York: Columbia UP, 1993. 83-97.

Boulé, Jean-Pierre. “Hervé Guibert: Création littéraire et roman faux.” The French Review 74.3 (2001): 527-536.

Guibert, Hervé. A l'ami qui ne m'as pas sauvé la vie . Paris: Editions Gallimard, 1990.

Wilkerson, Donna. “Hervé Guibert: Writing the Spectral Image.” Studies in Twentieth Century Literature 19.2 (1995): 269-288.