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Return to Equinoxes, Issue 2 : Automne/Hiver 2003
Article ©2004, Virginie Lupo

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Louis-René des Forêts écrivain
Disparition de Louis-René des Forêts

Virginie Lupo

Le Bavard et La Chute ou la trahison du lecteur

Notre vie est du vent tissé.
- Joubert

Vérité, non-vérité
se résorbent en fumée.

- Jaccottet, « Airs », Poésie 1946-1967

Trahison, mensonge, injustice : si ces notions ne sont pas équivalentes, elles témoignent toutes d'un manquement à une parole donnée, à un droit reconnu par tous, à une forme d'authenticité.

Or cette idée même de manquement est très éloignée de la pensée de Camus : celui que l'on appelle souvent "le Juste", qui se battit pour de nobles causes tout au long de sa vie incarne en effet parfaitement ce combat pour une vérité humaine et littéraire, pour la Vérité.1 Il pourrait alors sembler étonnant d'évoquer cet auteur pour parler de trahison. Toutefois, il est un texte qui illustre ce thème de manière magistrale : il s'agit de La Chute et nous verrons de quelle manière il s'y emploie. Et comment ne pas penser immédiatement au Bavard lorsque l'on parle de trahison ?

Le Bavard, de Louis-René des Forêts est publié en 1946 et remanié lors d'une nouvelle édition en 1963 ; La Chute, d'Albert Camus est publié en 1956. Si dix ans séparent la première parution de ces deux livres, ils n'en comportent pas moins quelques analogies intéressantes, à commencer par la forme utilisée par leurs auteurs : deux hommes monologuent en affirmant se livrer à une confession et tous deux prétendent avoir une révélation très intime à faire à leur interlocuteur. La différence réside justement en la personne de ce dernier : l'un reconnaît s'adresser au lecteur, il s'agit du héros du Bavard, tandis que Jean-Baptiste Clamence, le héros camusien, rencontre un personnage au Mexico-City, le bar d'Amsterdam dans lequel il a coutume de se rendre quotidiennement. Rappelons que la forme littéraire de la confession est une forme utilisée depuis des siècles si l'on pense au Neveu de Rameau ou au Dernier jour d'un condamné pour n'en citer que deux. Toutefois, c'est bien du héros de Dostoïevski, L'Homme du sous-sol, que le bavard et Clamence se rapprochent le plus, notamment par les thèmes qu'il aborde et le ton qu'il utilise. Jacqueline Lévi-Valensi rappelle dans son commentaire de La Chute(36) que Camus connaissait ce texte puisqu'il le cite dans un article d'Alger Républicain en 1939 et qu'il a pu le relire en 1955 dans une édition préfacée par Jean Grenier, son professeur de philosophie à Alger et « maître » comme il se plaisait à l'appeler.

La Chute devait initialement être une longue nouvelle qui prendrait place au côté de celles qui constituent L'Exil et le Royaume. Selon Camus, son projet était de « brosser un portrait, celui d'un petit prophète comme il y en a tant aujourd'hui. Ils n'annoncent rien du tout et ne trouvent pas mieux à faire que d'accuser les autres en s'accusant eux-mêmes ». Mais cette nouvelle a pris de plus en plus d'ampleur jusqu'à devenir le récit autonome que l'on connaît aujourd'hui. La polémique des Temps Modernes qui a suivi la parution de L'Homme révolté n'est pas sans lien avec certaines allusions que l'on trouve au fil de ces pages, ce qui a fait dire à Jeanyves Guérin que « Sartre et Francis Jeanson [étaient les] coauteurs » de La Chute(125).

Le héros de Louis-René Des Forêts, qui ne se nommera jamais, et Clamence se présentent comme des bavards invétérés ; Clamence reconnaît assez rapidement et comme s'il souhaitait ainsi s'en excuser : « Je suis bavard, hélas ! et me lie facilement. Bien que je sache garder les distances qui conviennent, toutes les occasions me sont bonnes(I, 1478) », tandis que le narrateur du Bavard dit appartenir à une espèce particulière, celle de « l'individu [qui] n'a strictement rien à dire et [qui] cependant dit mille choses ; peu lui importe l'assentiment ou la contradiction d'un interlocuteur, et cependant il ne saurait se passer de celui-ci, auquel il a d'ailleurs la sagesse de ne demander qu'une attention toute formelle » (12).

Il est d'ailleurs intéressant à ce propos de mettre en regard la façon dont chacun s'adresse à son interlocuteur dans ce qui constitue l'incipit de ces récits. Dans l'ouvrage de Des Forêts, le narrateur semble tout d'abord ne s'adresser à personne : on ne sait s'il se parle à lui-même, perdu dans la contemplation de son reflet dans un miroir, ou s'il parle à l'un de ses proches, cela d'autant plus qu'il évoque un trait que d'aucuns chercherait à garder secret : « Je me regarde souvent dans la glace. Mon plus grand désir a toujours été de me découvrir quelque chose de pathétique dans le regard » (7). Outre leur adresse mystérieuse, ces propos étonnent. Mais, ce qui nous intéresse au premier chef, c'est de constater que le bavard est dès les premières lignes tourné sur lui-même. C'est de lui qu'il va parler, c'est autour de sa personne que le discours va tourner.

En revanche, Jean-Baptiste Clamence se présente immédiatement sous un jour charmeur et agréable, puisque c'est son aide qu'il offre à son interlocuteur peu habitué aux manières quelque peu animales du serveur : « Puis-je, monsieur, vous proposer mes services, sans risquer d'être importun ? Je crains que vous ne sachiez vous faire entendre de l'estimable gorille qui préside aux destinées de cet établissement. Il ne parle, en effet, que le hollandais » (I, 1477). Cette impression de politesse va être renforcée de différentes manières : d'une part, parce que Clamence va se présenter de façon très courtoise : « Mais permettez-moi de me présenter : Jean-Baptiste Clamence, pour vous servir. Heureux de vous connaître » (I, 1479-80) ; d'autre part, par l'écoute qu'il va témoigner à son camarade fraîchement rencontré, écoute et dialogue inséré de manière très intelligente par Camus dans ce monologue : ainsi, après s'être présenté, Clamence demande : « Vous êtes sans doute dans les affaires ? » et l'on connaît la réponse de son hôte parce qu'il la reprend : « A peu près ? Excellente réponse ! Judicieuse aussi » (I, 1480). Au sein d'un monologue, Camus a donc introduit un dialogue implicite.

La première trahison du lecteur va venir de son attente déçue de vérité. En effet, nos deux héros se targuent de proclamer la vérité. Dès ses premières paroles, le bavard semble vouloir nous faire part de certaines révélations, en tout cas il semble affirmer avec virulence sa franchise : il évoque les aveux qu'il est sur le point d'effectuer, le fait qu'il ait décidé de se confier et tout cela de manière aussi « sérieuse » que « sincère », selon ses propres termes. Même lorsqu'il se plaît à effectuer quelques parenthèses, il s'en excuse expliquant immédiatement que c'est justement sa sincérité qui le pousse à ce genre de digressions. Il ira même jusqu'à feindre d'adopter un style d'une simplicité parfaite, révélateur selon lui de son désir affirmé : « Pour me garder contre les sourires de ceux qui [...] seraient enclins à douter de la véracité de ce récit, je ne puis mieux faire que de recourir à une sobriété parfaite, délaissant ainsi avec une pointe de regret le pouvoir hallucinant de certaines images que j'ai dans la tête » (des Forêts 19). Le lecteur, conquis, se sent introduit dans le secret des Dieux et attend impatiemment la Révélation. Pourtant, celle-ci tarde à arriver et de plus certaines contradictions commencent à se faire jour : le bavard a notamment déclaré avec émotion qu'il est très difficile de cacher ce que l'on ressent « aux vrais amis qui s'inquiètent vraiment, même si vous êtes très fort en fait de mensonge » (21). Mais au fil des pages, il nous apprend que ses amis ne le connaissent absolument pas car ils lui accordent une réputation de « tête froide » alors qu'il se reconnaît lui-même (il le déclare un peu plus loin) « une tête chaude ». Le lecteur se demande alors ce que signifient de telles assertions : ce bavard ne se dévoile-t-il pas à ses amis ou bien est-il en train de se jouer de ses lecteurs ? La réponse arrivera bientôt : « Je me demande bien où les hommes ont pris ce goût surprenant pour la vérité dont le plus souvent ils n'ont que faire, pourquoi les aveux d'un homme sincère, pourquoi la lecture d'un rapport dont la clarté et la concision leur sont, disent-ils, les meilleurs garants de l'authenticité des faits exposés, les laissent tout béats d'admiration » (33). Cette question, toute rhétorique, commence à éveiller les soupçons du lecteur, soupçons avérés dès la phrase suivante dans laquelle le bavard poursuit : « Nous ne sommes pas ici, Dieu merci, pour courir après une vérité qui se dérobe sans cesse, ce serait un exercice aussi énervant pour notre esprit que, par exemple, pour notre main de s'appliquer à faire passer un gros fil de coton par le chas d'une aiguille » (33). Le lecteur sait maintenant qu'il n'obtiendra pas cette vérité initialement promise.

Clamence en revanche affirme immédiatement son goût pour le « beau langage » (I, 1478). Lorsque son interlocuteur « bronche » sur un imparfait du subjonctif qu'il utilise, il reconnaît se reprocher cette faiblesse : « Je sais bien que le goût du linge fin ne suppose pas forcément qu'on ait les pieds sales. N'empêche. Le style, comme la popeline, dissimule trop souvent de l'eczéma » (I, 1478).2 En outre, il ne prétend pas immédiatement se « confesser » puisque la conversation s'engage à bâtons rompus dans des vapeurs de genièvre et se poursuivra ainsi le lendemain : « Vous êtes chez moi à Mexico-City, j'ai été particulièrement heureux de vous y accueillir. Je serai certainement ici demain, comme les autres soirs, et j'accepterai avec reconnaissance votre invitation » (I, 1481).

Pourtant, le terme de « confession » est prononcé une fois par Clamence. Cela se situe dans la dernière partie du récit, le jour où il reçoit son interlocuteur couché ; pour expliquer le fait qu'il n'y ait pas de livres chez lui, il explique avec son habituel cynisme : « Autrefois, ma maison était pleine de livres à moitié lus. C'est aussi dégoûtant que ces gens qui écornent un foie gras et font jeter le reste. D'ailleurs je n'aime plus que les confessions, et les auteurs de confession écrivent surtout pour ne pas se confesser, pour ne rien dire de ce qu'ils savent » (I, 1538. C'est nous qui soulignons).

Ces paroles s'avèrent très importantes : glissées ainsi sous forme de boutade, le lecteur peut n'y être quasiment pas attentif. Pourtant, elles constituent le suprême aveu : celui qui n'a cessé de parler de lui depuis la première rencontre au bar Mexico-City n'a finalement strictement rien dévoilé d'intime. Tout se passe comme si le lecteur était envoûté par les paroles de Clamence qui finit par s'évanouir derrière son rideau d'éloquence.

Cela semble nous dire que plus on parle, moins on se révèle, plus on se confesse, moins on divulgue son intimité. Or ceci est justement la conviction de Camus : si on pouvait véritablement faire confiance au langage, les hommes pourraient se parler de tout leur cœur et une authentique confession pourrait exister. Camus témoigne d'une grande méfiance envers le langage. Le silence possède une valeur beaucoup plus noble à ses yeux, car il est notamment lié à la présence silencieuse de la mère, cette mère mutique et tant aimée.

Cette méfiance, si elle semble paradoxale pour l'écrivain qu'est Camus, ne l'est pas moins pour Clamence qui utilise le langage tout en en dénonçant les limites. « Ni oui ni non, le langage est surtout une machine à fabriquer du doute » : cette idée, née chez Camus à la lecture d'un essai de Brice Parain s'applique parfaitement à La Chute, d'autant plus que son héros s'affirmera lui-même comme un « Elie sans messie », c'est-à-dire qu'il reconnaît n'avoir rien à annoncer, aucune parole à délivrer.

Pourtant, ultime trahison, le lecteur s'est laissé prendre au piège des paroles de Clamence, il a cédé au jeu de la tentation en attendant impatiemment les révélations de cet ancien avocat : ce récit est donc parfaitement manipulateur car il dénonce à la fois le langage lui-même tout en en montrant la force...

Louis-René Des Forêts va lui aussi chanter les louanges du silence, dans une exclamation quelque peu tonitruante puisque cet auteur de confession s'exclame : « Ah le silence ! Alors, voudra-t-on me croire si j'ai le front de proclamer ici mon aversion insurmontable pour les maniaques de la confession ? » (79). Tout semble fait ou dit pour exaspérer le lecteur qui aurait tendance à prononcer lui-même l'exclamation précédente. Il est certain que plus les pages défilent, plus le lecteur est exaspéré par tant de facéties inutiles et incompréhensibles. D'autant plus que les propos qui vont suivre vont s'avérer légèrement insultants ou du moins moqueurs puisqu'il va traiter ses lecteurs qui essaient de démêler le vrai du faux de « pauvres gens qui tentent dans l'ombre de [l']opposer à [lui]-même » ou d' » innocents » tout occupés à établir « une lecture consciencieuse » de ce texte.

Il est donc indéniable qu'à sa manière, Louis-René Des Forêts remet également le langage en question : « Vous trouvez que je vais quand même un peu fort : feindre de douter de ses propres affirmations, c'est là le comble de l'impertinence ou de la mauvaise foi » (140), souligne-t-il alors très justement. Comme le dit Pascal Quignard, le langage dans Le Bavard devient « véhicule qui ne véhicule plus rien, que rien ne subordonne que lui-même, qui se consomme totalement en soi autant qu'il consume avec intensité les forces qui le sous-tendent ».3 Néanmoins ce que Quignard qualifie « d'offrande », ce que l'on pourrait prendre au départ pour un habile et subtil « jeu de mots  » devient de plus en plus vain. C'est en effet le désir de silence absolu qui s'empare alors du lecteur, désir doublé d'une forme d'aversion de toute parole.

Si ces deux monologues étonnent, voire même dérangent, c'est parce que le lecteur se sent piégé par les mots qu'il lit.

Après maintes contradictions, le lecteur du Bavard se retrouve devant une affirmation qu'il ne peut pas remettre en doute : « C'est entendu, je suis bavard, un inoffensif et fâcheux bavard, comme vous l'êtes vous-mêmes, et par surcroît un menteur comme le sont tous les bavards, je veux dire les hommes » (139). A ce moment du récit, le lecteur exsangue devant tant de retournements, accepte ce propos, tout en se sentant quelque peu gêné par l'affirmation de ressemblance avancée par le bavard. D'autant plus que suit une question qui se veut agressive : « Mais en quoi cela vous autorise-t-il à me reprocher âprement le mal dont vous êtes vous-mêmes affectés ? » (139). Il poursuit en posant la question du jugement de manière aussi directe que dérangeante : « Lequel d'entre vous me jettera la pierre ? ».

Nous voilà enfin devant le but caché de ce long soliloque : accuser, voire même juger les hommes, l'humanité entière et ce de manière toute supérieure. Or nous constatons que la question du jugement est également posée par Jean-Baptiste Clamence, mais pas de manière agressive comme son alter ego de Des Forêts. Au contraire, celui qui dit être un juge-pénitent, qui avoue s'accuser pour pouvoir se permettre d'accuser ensuite les autres, attend finalement ce jugement dernier avec impatience. C'est la raison pour laquelle il invite son interlocuteur du Mexico-City chez lui et lui avoue détenir les Juges intègres, un panneau du rétable de Van Eyck, dérobé dans une cathédrale de Gand en 1934, cet ultime aveu n'étant motivé que par l'espoir de découvrir en son interlocuteur un policier ou un juge.

Le Bavard et La Chute sont donc bien deux exemples incontournables de trahison du lecteur : alors que celui-ci s'attend à n'être qu'un simple confident, il se retrouve en position d'accusé et de coupable. Pris au piège du langage, trahi dans son attente, le lecteur de ces deux récits ressent un certain malaise. Toutefois, alors que le premier laisse une sensation d'énervement, le second nous laisse pensif. Cela tient à la violence que l'on rencontre au fil des pages du Bavard, tendu d'agressivité, et ce jusqu'à la dernière phrase qui nous congédie purement et simplement : « Or, maintenant, je suis las. Allons, Messieurs, puisque je vous dis que je ne retiens plus personne » (155). Il est indéniable que ce sentiment empêche le récit d'atteindre pleinement son but qui est de nous tendre un miroir introspectif.

L'effet est tout autre avec La Chute : ce résultat y est atteint grâce à une démarche différente ; Clamence explique : « Je m'accuse, en long et en large. [...] Mais attention, je ne m'accuse pas grossièrement, à grands coups sur la poitrine. Non, je navigue souplement, je multiplie les nuances, les digressions aussi, j'adapte enfin mon discours à l'auditeur, j'amène ce dernier à renchérir. [...] Je fabrique un portrait qui est celui de tous et de personne. [...] Mais, du même coup, le portrait que je tends à mes contemporains devient un miroir! » (I, 1547). L'auditeur de Clamence ne se sent à aucun moment malmené ou rabaissé ; au contraire, tout au long de son monologue, Clamence sait mettre en exergue les mérites de son interlocuteur afin que celui-ci se sente parfaitement en confiance. Le piège est bien entendu plus terrifiant, mais tellement adroit.

Car si dans les deux cas, le lecteur est trahi, dans le premier il se sent également sali et ridiculisé, tandis que dans le second, il ne se sent jugé mais surtout dans l'obligation de réfléchir sur lui-même.

La réception de ces récits tient enfin à la motivation des « bavards » ; il y a une impression de suffisance qui se détache du récit du Bavard : d'ailleurs son héros reconnaît à l'issue de son verbiage avoir eu ce qu'il désirait : il s'est soulagé et c'est uniquement ce qu'il souhaitait. En revanche, il n'en est rien pour le héros camusien dont le récit se termine sur une note ironique : évoquant une possibilité de salut, Clamence conclue : « [...] Rassurons-nous ! Il est trop tard, maintenant, il sera toujours trop tard. Heureusement ! » (I, 1551). Si cette dernière volte-face étonne et laisse perplexe, elle est en totale adéquation avec ce que le héros désire nous dire de lui : en effet être sûr qu'il n'y a plus d'espoir et prétendre s'en réjouir, est-ce véritablement là un dernier élan de sincérité ou bien est-ce une nouvelle pirouette de ce double Janus ? Il nous semble qu'il s'agit en réalité d'un nouveau masque dont se pare ce splendide comédien afin de cacher définitivement sa douleur et son malaise d'homme trop lucide. Or c'est ce qu'assurait Camus dans son « Prière d'insérer » : « Où commence la confession, où l'accusation ? Celui qui parle dans ce livre fait-il son procès, ou celui de son temps ? Est-il un cas particulier, ou l'homme du jour ? Une seule vérité en tout cas, dans ce jeu de glaces étudié : la douleur, et ce qu'elle promet » (I, 2015).


VIRGINIE LUPO, née en 1971, est professeur de français dans un lycée de la région lyonnaise. Elle a récemment publié Le théâtre de Camus : un théâtre classique ?, Septentrion, 2002 et elle a participé à de nombreux colloques comme, entre autres, celui du Centre Pompidou à Paris en novembre 2002 ("Je veux qu'on vive dans la vérité : Passion et douleur de Caligula à Clamence", à paraître dans la collection BPI en actes, courant 2004), celui de l'Université de Québec à Montréal, février 2003 ("Le Nobel de Camus ou l'art solitaire devient solidaire") ou encore celui de l'Université de Liverpool en juin 2003 (Angleterre) : "La revue des Temps modernes : Scène privée, scène publique". Elle écrit également sur la littérature algérienne et notamment sur Maïssa Bey.

Notes

1   Cf. Communication Je veux qu'on vive dans la vérité : Passion et douleur de Caligula à Clamence, de Virginie Lupo, donnée dans le cadre du Colloque Albert Camus et le mensonge de Beaubourg, des 29 et 30 novembre 2002. Publication des actes du colloque courant 2004.

2   Soulignons que cette affirmation fait allusion à une critique de Jeanson lors de la polémique de L'Homme révolté, concernant le style de Camus. Jeanson considérait en effet que l'essai de Camus traitant de la révolte était trop bien écrit, pour écrire sur la révolte, on ne peut écrire que de manière révoltée. Ainsi le fait que Camus « d'un bout à l'autre de son livre balance les antithèses avec un art si sûr » trouble le critique qui conclue que cette protestation est « trop belle, trop souveraine, trop sûre d'elle-même, trop accordée à soi ». Il est certain que le fait qu'il existe une écriture « de droite » et une écriture « de gauche » est tellement absurde que Camus ne put s'empêcher d'y faire allusion dans La Chute.

3   Pascal Quignard, quatrième de couverture du Bavard, L'Imaginaire Gallimard, Paris, 2001.

Bibliography

Camus, Albert. Théâtre, Récits, Nouvelles. Préface par J. Grenier. Textes établis et annotés par R. Quilliot. Paris: Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1962. (noté I).

---. Essais. Introduction par R. Quilliot. Edition établie et annotée par R. Quilliot et L. Faucon. Paris: Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965. (noté II).

des Forêts, Louis-René. Le Bavard 1946, remanié en 1963. Paris: Gallimard, 1979.

Grenier, Jean. « Les Mémoires écrits dans un souterrain, ou la clé de l'oeuvre de Dostoïevski », préface aux Mémoires écrits dans un souterrain, trad. de H. Mongault et M. Laval, Club du Meilleur Livre, 15 avril 1995.

Guérin, Jeanyves . Camus, Portrait de l'artiste en citoyen. Paris: Editions François Bourin, 1993.

Lévi-Valensi, Jacqueline. Jacqueline Levi-Valensi commente. La Chute d'Albert Camus. Paris: Gallimard, 1996.

Parain, Brice. « Un héros de notre temps ». Nouvelle Revue Française (1967): 11-14.