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Return to Equinoxes, Issue 2 : Automne/Hiver 2003-2004
Article ©2004, Christiane Dampne

Christiane Dampne, Lyon 2 Lumière (France)

Traître, renégat, flic, vendu, termite, sous-marin jaune, petit-bourgeois dégénéré...

et autres noms d'oiseaux employés par le parti communiste français à l'encontre de ses militants "déviants"

« Les renégats passent et le Parti demeure », L'Humanité, le 22.10.1955.

Les partis politiques laissent en leur sein une place plus ou moins grande à l'expression du désaccord par rapport à la ligne officielle établie. Selon cette marge de liberté, l'expression de ce désaccord se cristallise autour de trois figures : le contestataire, le démissionnaire, et l'exclu. En France, le parti communiste français (PCF) fonctionna pendant 70 ans (des années 20 aux années 90) comme un parti autoritaire et monolithique ne tolérant aucune voix divergente. Son principe du "centralisme démocratique" interdisait tout courant à l'intérieur de l'organisation. Mais dans chaque génération de militants il y eut des communistes critiques exprimant leur point de vue.

La manière dont ces militants "hétérodoxes" ont été désignés et nommés par les instances dirigeantes du PCF révèle un jugement implicite porté sur eux. Les appellatifs constituent donc un moyen privilégié pour mettre à jour la doxa communiste car ils en sont le reflet. D'où le choix de cet angle d'approche étroit et précis. Dans l'étude de ces dénominations un inventaire lexical s'impose.

Les termes de « camarade » et « communiste » sont investis par les membres du PCF d'une connotation très positive. Jusqu'à la fin des années 60 ce sont des appellatifs qu'il fallait d'ailleurs « mériter » en s'en montrant « digne ». La pratique usuelle pour désigner un membre du PCF est : camarade + prénom (+ nom). Quel est l'écart entre ce code discursif communiste et la désignation des démissionnaires ?

Les dénominatifs dépréciatifs du démissionnaire : la figure du « traître »

Pendant plusieurs décennies, pour l'appareil du PCF, il était inconcevable d'avoir envie de quitter « Le Parti ». Maurice Thorez, Secrétaire général pendant plus de 30 ans (1930 - 1964), proclama : « Un communiste ne démissionne jamais ! » 1 et la romancière Dominique Desanti, ancienne journaliste communiste écrivit (1975 : 353) :

« A l'époque thorézienne (...) le rite voulait que l'on dise : "le Parti n'est pas un moulin ; on n'en sort pas à volonté ; nul n'est obligé d'y entrer." ».

La démission en effet n'était pas prévue dans les statuts et ne le fut qu'en 1979. Malgré cette absence statutaire, plusieurs militants et responsables osèrent cependant affirmer leur décision de quitter l'organisation. Comment étaient-ils perçus par la direction et la base ?

 La perte des appellatifs « camarade » et « communiste » et la perte du prénom

Les démissionnaires perdent de fait et systématiquement les dénominatifs valorisants de « camarade » et de « communiste ».

Ainsi en est-il de Louis-Oscard Frossard, Premier Secrétaire général du parti communiste, qui démissionna le 1er janvier 1923 de son poste et du parti. Dans L'Humanité du lendemain l'ancien secrétaire est désigné la première fois par l'expression « le camarade Frossard » et toutes les autres simplement par le patronyme « Frossard ». La perte de « camarade » conjuguée à l'absence du prénom inaugure une position plus négative et virulente à l'égard du démissionnaire. Il sera en effet accusé publiquement de « trahison » avec d'autres membres quelques jours plus tard.

Ils perdent d'autre part automatiquement leur prénom et sont nommés par leur seul patronyme. Ce « détail linguistique » n'a pas échappé à l'ancien journaliste communiste, Jean-Pierre Gaudard (1986 : 144), qui le qualifie de désignation « sèche », à la manière de celle employée pour « un repris de justice » et donne l'exemple du poète et député, Aimé Césaire, démissionnaire en 1956 :

« Ce dernier en effet n'a plus de prénom dans la presse communiste. L'Humanité publia sur deux pleines colonnes un long texte où le patronyme est utilisé dans le titre même - "La Fédération Communiste de la Martinique stigmatise l'attitude de Césaire" - et au sein de l'article. Il apparaît notamment dans l'énoncé accusateur suivant : "Césaire se range délibérément, après tant d'autres, dans le camp de l'anticommunisme et de l'antisoviétisme le plus vulgaire". »

Certains démissionnaires sont désignés par l'appellatif « Monsieur », neutre ou mélioratif dans la doxa sociale, mais fortement négatif dans la doxa communiste puisqu'il prend une valeur « bourgeoise ». Le registre neutre, poli, ou respectueux, devient ici méprisant et fortement négatif. De nombreux témoignages attestent de cet emploi, un seul suffira ici :

« Dès lors qu'on est parti, on vous donne du "Madame" ou du "Monsieur". C'est l'insigne de la bourgeoisie et c'est une injure déguisée. » Yvonne Quilès, ancienne journaliste communiste (entretien téléphonique).

 Gradation de la dépréciation et valeur accusatrice

Les militants qui rompent sont systématiquement affublés de désignatifs dépréciatifs, voire injurieux, qui impliquent tous un jugement de valeur négatif. On peut relever plusieurs degrés de disqualification du démissionnaire sur l'axe axiologique et divers champs lexicaux. Passons-les en revue :

• Commençons par le moins négatif : flanchard2 . Ce néologisme renvoie à l'idée d'un moral défaillant mais aussi à l'abandon, et son suffixe ard augmente la nuance péjorative.

• On relève ensuite le terme fréquent de déserteur qui est emprunté au champ militaire. Il présuppose un départ non libre, et signifie, au sens figuré, « celui qui abandonne une fois, une cause », prenant ainsi implicitement le sens de traître.

• Si l'on poursuit la gradation négative, on arrive au terme le plus fréquent, celui de traître. On ne compte plus en effet ceux qui furent accusés de trahison. Son emploi est attesté dès le début des années 203. Il connaît une longue carrière de sept décennies en étant employé seul, ou accompagné d'un complément - tel traître à la Cause, ou traître à la classe ouvrière. Il est enfin combiné à d'autres dépréciatifs que nous verrons plus loin.

Renégat relève, dans son sens figuré, du même champ sémantique. Il renvoie cependant à une origine religieuse (« celui qui a renié sa religion »). Cette référence supplémentaire n'est pas neutre. Les emprunts au domaine religieux sont fréquents, autant dans le discours officiel, que dans celui des militants et des anciens communistes. On relève notamment le terme défroqué qui définit l'abandon de l'état ecclésiastique et qui contient « une intention ironique ou méprisante ». Nombre d'anciens communistes l'utilisent fréquemment soit pour signifier la disqualification dont ils furent victimes, soit pour introduire un degré d'ironie en se qualifiant eux-mêmes de « défroqué », soit enfin pour dénigrer ceux qu'ils estiment avoir rejoint le parti adverse.

• On peut mentionner ensuite divers dénominatifs politiques intemporels qui empruntent largement à la rhétorique stalinienne du régime soviétique : anticommuniste, ennemi du Parti / du peuple, contre-révolutionnaire, antisoviétique, adversaire de classe, révisionniste, déviationniste, social-démocrate, rat de la sociale-démocratie, opportuniste de droite, suppôt de la droite, agent de la bourgeoisie / du patronat / au service de la réaction...

• Certains désignatifs politiques sont, par contre, conjoncturels, directement liés aux circonstances historiques et politiques du moment (internationales et nationales) : agent d'Hitler / de la Gestapo / du Ku Klux Klan, fasciste, droitier-trotskiste, hitléro-trotskiste, vendu à la City / à la C.I.A., gaulliste, gauchiste, trotskiste, titiste...

• Les démissionnaires peuvent aussi être accusés de vénalité ou d'immoralité : opportuniste, carriériste, corrompu, vendu, salaud...

• La disqualification peut également porter sur les origines de classe, réelles ou supposées : petit-bourgeois et bourgeois. Ces origines sociales peuvent être cumulées au statut d'intellectuel : intellectuel petit-bourgeois...

• Le dénigrement est enfin celui de policier et de tous ses synonymes : flic, vendu à la police, agent de la police / du gouvernement, mouchard, espion... Ce dénigrement peut être classé au sommet de la hiérarchie puisque, selon l'historien Michel Dreyfus, le terme de flic « constitue l'injure suprême au sein du mouvement ouvrier » (1990 : 235), injure qui permet de cacher les désaccords politiques exprimés (83).

Ce type d'accusation permet aussi de donner une explication claire et rassurante aux membres du parti, selon l'écrivain et compagnon de route Raymond Jean (1979 : 160) :

« Un pas de plus : et il a été dénoncé comme policier. Accusation providentielle et même "nécessaire", car comment expliquer que l'on soit à la fois du côté de l'ennemi et dans les rangs du Parti ? Il n'y a pas, pour satisfaire l'esprit, deux hypothèses possibles : la qualité de flic explique tout, elle rend immédiatement tout clair, tout intelligible. Une fois de plus, il s'agit de parvenir à tout prix à cette intelligibilité manichéenne et rassurante qui dissipe la complexité même du réel, terrain trop favorable au doute et à la contestation. Donc flic arrange tout et cela vaut bien que l'on piétine la décence, le respect de l'homme, l'honneur et la morale ».

 Association, accumulation, et présupposé de trahison

Ces principaux désignatifs nous conduisent à trois remarques :

• Tout d'abord certains de ces termes peuvent bien évidemment être associés, renforçant par là-même leur portée négative et accusatrice. Ainsi en est-il de social-traître ou de traître policier4. Nombre de ces désignatifs peuvent également être prononcés et/ou perçus comme des injures. Mais pour renforcer le caractère insultant ils peuvent être précédés par des termes intrinsèquement injurieux, tels putain ou salaud. Ce qui donne : ce putain de trotskyste, ce putain de fasciste, ce salaud de gauchiste...

• Il est rare d'autre part d'être affublé d'un seul dénominatif. On relève en effet un procédé rhétorique récurrent : l'accumulation de désignatifs dépréciatifs ou injurieux, avec une surenchère du dénigrement. Un seul suffit rarement.

• Les accusations enfin sont plus ou moins graves dans la hiérarchie du discrédit, mais toutes contiennent la notion d'une fidélité à l'engagement communiste rompue : la démission devient synonyme de « trahison ». L'appareil pose donc de fait l'équivalence : démission = trahison qui prend valeur d'accusation. Nombre de ces dénominatifs sont ainsi fondés sur un présupposé de trahison en amont. Le militant est placé délibérément dans « l'autre » camp et ces désignatifs prennent une valeur offensante. L'accusation implicite ou explicite de trahison peut fonctionner de deux manières :

. annuler toute crédibilité que les militants pourraient porter aux motifs du démissionnaire (s'ils en ont connaissance) par le discrédit de sa personne ;

. valoir comme explication de l'acte de rupture (c'est parce que c'est un traître qu'il rompt) et ainsi masquer les motifs de désaccords politiques. La direction utilisait en outre fréquemment, à l'encontre des responsables et intellectuels notoires, l'explication simpliste et infamante du « double jeu » (flic, agent du gouvernement…).

D'autre part, lorsque la démission est rendue publique, les instances dirigeantes considèrent le « rompant » comme doublement traître : traître d'abandonner le « Parti », et traître de mettre ce départ sur la place publique, donc de rompre la « loi du silence ».

Ainsi les démissions ne furent jamais source d'interrogation ou de remise en cause au sein de l'appareil, même lors de grandes vagues de départs, puisque l'acte de rupture était perçu intrinsèquement comme « un acte anti-parti », une attaque, une menace qui justifiait une riposte verbale.

Le traitement du discrédit n'est pas réservé aux seuls démissionnaires. Les exclus ont également fait les frais de l'accusation de trahison.

Stigmatisation et « diabolisation » de l'exclu : la figure du « renégat »

 De "Monsieur" à "flic"

Tout comme les démissionnaires, les exclus perdent derechef les dénominatifs valorisants de « camarade » et de « communiste », et sont désignés par leur patronyme :

Ainsi en est-il de l'un des fondateurs du PCF et dirigeant du Komintern, Boris Souvarine, exclu en 1924. L'éditorial de L'Humanité du 19 juillet 1924, signé du Secrétariat du parti, est intitulé : « Le cas Souvarine ».

Ayant perdu leur statut de communiste, certains sont aussi désignés par « Monsieur » :

Jean Baby, exclu en 1960, fait appel de la décision et reçoit du Comité de sa Section une lettre commençant par les termes : « Monsieur, suite à votre lettre en date du... »

Lettre citée par Michel Barak (1980 : 98).

Immanquablement, dans le discours de l'appareil et de celui des militants, l'exclu est un « agent de l'ennemi ». On retrouve les principaux désignatifs négatifs appliqués aux démissionnaires, et certains hauts responsables politiques exclus sont affublés de la plus grave injure du mouvement ouvrier, celle de flic qui sert dès lors de chef d'inculpation. On relève cette accusation dès les années 30 avec "l'affaire Barbé - Célor"5 , mais ce dénigrement est surtout présent dans les années 50 contre de hauts dirigeants. Quelques titres d'articles de L'Humanité à l'encontre d'André Marty en témoignent :

« Le policier Marty », « Les liaisons policières de Marty », « La duplicité du policier Marty et la vigilance du Comité Central », « Un flic de plus a été découvert »...

« Le policier Marty » fut largement repris dans la presse communiste, fonctionnant donc comme une lexicalisation dans la doxa du PCF.

 Récurrence du terme "renégat"

Mais le terme le plus fréquent pour désigner l'exclu, quel que soit son statut au sein du parti - militant de base ou permanent - est celui de renégat. Cet emprunt au registre religieux est également appliqué au démissionnaire, mais la situation est légèrement différente pour ce dernier qui devient un « renégat » par le fait même de rompre, alors que pour l'exclu, l'accusation sert de justification à la sanction. Néanmoins dans les deux cas la disqualification a le même fonctionnement : le masquage du désaccord politique. Deux exemples d'exclus notoires :

• A propos du philosophe Henri Lefebvre, Maurice Thorez écrit en 1964 dans la Pravda qu'il appartient à "la pire sorte de renégat et d'aventuriers, d'éléments dégénérés, de révisionnistes chassés des rangs communistes en raison de leurs points de vue antimarxistes." ». Thomas Ferenczi, « Le dernier "compagnon de route" du PC », Le Monde, 30.06.1991.

• Quant à l'ancien dirigeant Roger Garaudy, exclu en 1970, un journaliste l'accusa de « suivre le chemin éternel du renégat... Nous avions un camarade. Il est passé en face, chez l'adversaire. Avec ses armes et son bagage. " Editorial de L'Humanité du 16 mai 1970.

 Registre dégradant (pathologie et pourriture) et accusation de narcissisme

L'exclu subissait ainsi le même sort que le démissionnaire, voire un sort aggravé. Il était affublé d'adjectifs peu valorisants, la « richesse » des expressions en témoigne. Certaines empruntaient d'ailleurs à des registres non attestés pour les rompants, registres fortement dégradants puisqu'ils faisaient référence à une « déchéance humaine ». Nous pensons à celui de la pathologie avec cas clinique, anormal politique, et éléments dégénérés, et à celui de la pourriture et de l'ordure avec éléments pourris et fumier.

Inversement l'accusation peut porter sur le narcissisme du militant, contraire à la culture communiste qui cultive l'effacement de soi. Dans la conception de la direction, exprimer des désaccords politiques, c'était faire preuve de vanité puisqu'elle seule était détentrice de la « vérité ». Le terme mégalomane condense ce type d'accusation.

 Registre lexical de "satanisation"

Si la démission était dépréciée dans le parti communiste, l'exclusion l'était plus encore puisque le sanctionné fut longtemps marqué du « sceau de l'infamie » et « diabolisé ». De nombreux anciens communistes ont raconté, dans leur autobiographie politique, la séance d'exclusion dont ils furent victimes, ou celle où ils assistèrent en témoin. Cette séance est vécue comme un drame par la plupart d'entre eux. Certains la comparent à un « procès en sorcellerie » du temps de l'Inquisition. Deux citations à l'appui :

• L'historien Philippe Robrieux (1977 : 257) narre l'élimination de deux dirigeants en 1961. Il est lui-même mis en demeure d'apporter sa pierre à l'édifice de l'accusation : « A moi de céder, et vite, pour ne pas troubler la belle ordonnance du cérémonial. Mais je ne comprenais toujours pas. C'est que je croyais encore à des dérèglements et à des exagérations, je ne voyais pas que j'étais pris, moi aussi, dans l'engrenage d'un procès en sorcellerie, diabolique ballet dont toutes les figures étaient soigneusement agencées. Dans ce système, si l'on n'était pas l'accusateur désigné, restait à se réfugier dans l'anonymat de la foule militante, sorte de chœur à l'antique tenu d'approuver bruyamment et à intervalles fixes, les litanies de l'accusation. Faute de quoi l'on prenait place parmi les accusés ».

• « Les coups de hache de nos destins, ce furent depuis vingt-cinq années ces cérémonies rituelles au cours desquelles les uns après les autres, la plupart de ceux d'entre nous qui s'étaient mis en marche sous le grand drapeau, flamme vive dans le vent, furent frappés d'anathème, et rejetés sur ce qu'ils croyaient alors le bas-côté du chemin. Dans presque toutes les sociétés, le rite de purification de la communauté par le retranchement solennel du membre souillé, de celui qui a enfreint le tabou ou commis le péché contre la loi, est la façon la plus économique de resserrer la cohésion du groupe. C'est le rite de l'impur qu'on conduit sous la direction du sorcier... », Claude Roy (1972 : 465). L'écrivain raconte dans un autre livre (1976) sa propre exclusion, le 10 février 1957 : « La cérémonie finale de purification, le retranchement rituel du membre par qui le scandale est arrivé, se déroule sans surprise. Pour la plupart, les membres de ma cellule me considèrent comme un possédé... Je suis à leurs yeux en proie aux maléfices du démon. Il faut m'exorciser ».

L'exclusion était conçue et pratiquée comme une « purification ». Cette métaphore est à prendre dans sa double acception : une « entreprise d'hygiène » et une forme de catharsis collective pour « conjurer le mal » dans la mesure où l'exclu est « diabolisé ». Selon la conception communiste, son exclusion permet donc de l'empêcher de « nuire » en « contaminant » les militants « sains ».

Le militant critique, qui exprime ses désaccords au sein du PCF ou au dehors, est pour une grande part un démissionnaire ou un exclu en sursis. Pendant cette phase transitoire, la direction ne le ménage pas.

Un discrédit systématique du « contestataire » : la figure du "termite"

 « Faire le jeu de la droite » : l'argument de « trahison »

« Faire le jeu de la droite » est un argument récurrent à l'encontre du militant en désaccord. Il confère à l'émission d'une critique la valeur d'un acte de « trahison » : le contestataire est non seulement un « ennemi de l'intérieur » mais aussi un « ennemi de classe ». Cet argument de « trahison » eut longtemps un effet dissuasif sur l'expression d'un désaccord. Il se retrouve, implicitement ou explicitement, dans plusieurs dénominatifs des communistes critiques. Procédons donc à un petit inventaire.

 Spoliation identitaire

On l'a vu, les démissionnaires et les exclus perdent systématiquement les dénominatifs valorisants de « camarade » et de « communiste ». Il en est de même pour de nombreux contestataires qui sont simplement désignés par le terme « adhérent » :

« Je pense que ces adhérents n'ont plus leur place aux côtés de l'immense majorité des communistes. » Courrier des lecteurs de L'Humanité du 1.06.1978.

Ce terme leur reconnaît néanmoins la qualité de membre du PCF. Cette qualité est refusée par contre à tous ceux qui ont été exclus implicitement et s'entendent dire : « Tu n'es plus communiste, on ne te renouvelle pas ta carte ». Un pas supplémentaire est franchi avec l'appellatif « Monsieur » qui leur retire non seulement leur identité communiste, mais les marque de « l'insigne de la bourgeoisie » :

Cet emploi est signalé par la sociologue Jeannine Verdès-Leroux (1987 : 38) à propos d'une lettre d'un militant vilipendant des communistes critiques en 1978 et dont elle cite un extrait : « "Messieurs, si le parti communiste ne représente pas ce que vous en attendiez, il faut le quitter." Calmement, ajoute-t-elle, ce militant hurlait son rejet, et déjà il avait retiré à Althusser et aux autres "contestataires" le titre de camarades ».

 Registre animal et métaphores disqualifiantes

• On relève d'autre part plusieurs termes spécifiques qui renvoient à une menace du parti par l'existence même d'une contestation de la ligne officielle :

. Ainsi en est-il de l'emprunt métaphorique au règne animal, notamment à celui des reptiles et des insectes avec vipère et termite. Ces deux termes renvoient à l'idée de menace de mort pour le « Parti » : l'un par son venin, l'autre par son travail de destruction lent et caché :

« [En 1956] La section était le lieu même où s'exerçait ma contestation contre les thoréziens, tenue par les intéressés pour antiparti, "vipérine" (sic), etc. D'autre part, ceux qui comme moi tâchaient de modifier de l'intérieur la politique du Parti étaient traités de "termites". La comparaison avec le reptile et l'insecte ne pouvait engendrer la cordialité. » Emmanuel Le Roy Ladurie (1982 : 170).

Ce procédé rhétorique « d'animaliser » le militant critique est emprunté à Lénine. Sa terminologie zoologique est en effet extrêmement riche. Dominique Colas (1982 : 205-206) nous donne une clef explicative de cet emploi : traiter « l'ennemi » d'insecte et de parasite, c'est annuler toute identification possible et légitimer sa mort en dédouanant le meurtre dans le régime bolchevik6 . Cette « animalisation » fortement dégradante se propagera dans tous les partis communistes.

. La métaphore aquatique de sous-marin socialiste ou de sous-marin jaune revêt également la même accusation de nuisance dissimulée par le « traître ». La menace est donc d'autant plus forte que le membre « déviant » agit de manière masquée. Là encore cette nature de duplicité prêtée au « contestataire » provient du régime soviétique.

. Autre métaphore d'une menace avec le terme liquidateur. Ce terme emprunte à la rhétorique stalinienne des années 50 : ce dénigrement était récurrent dans les procédures d'exclusion dans lesquelles on reprochait entre autre au militant d'avoir « mené une politique de liquidation du Parti ». On l'a trouvé encore dans les années 80 dans la bouche du Secrétaire général Georges Marchais pour fustiger certains membres critiques du Comité central (il a parlé de « complot de liquidateurs ») et pour accuser les « rénovateurs » (« la fraction liquidatrice »). Mais ce terme n'est pas un simple qualificatif négatif. C'est aussi un performatif selon Maurice Mouillaud, universitaire et ancien communiste :

« En réalité, sous l'apparence d'une description ("ce sont des liquidateurs"), ce que le locuteur énonce, c'est ce qu'on appelle un performatif : dire de l'autre qu'il est un "liquidateur", c'est lui annoncer qu'on va le liquider (la réalisation concrète du signifiant dépendant, bien sûr, de son contexte). Le "liquidateur" n'est qu'une ombre portée, une qualification en apparence, une décision en réalité ; celui qu'on traite de "liquidateur", c'est qu'on a décidé de le supprimer. »7

• Quelques expressions renvoient au domaine de la scatologie. Après la publication de son livre critique - PCF, le suicide - l'ancien journaliste communiste Michel Naudy reçut la critique suivante : « à la lecture de l'ouvrage terminée, on a l'impression désagréable d'avoir serré la main d'un homme qui sort des cabinets ». Ce registre scatologique n'est pas sans nous rappeler la recommandation de Lénine d'envoyer les « parasites (...) nettoyer les latrines », même si on est heureusement loin de cette activité dégradante.

• Certains termes renvoient enfin à un désaccord idéologique ou à une mouvance contestatrice autour d'un ancien dirigeant : révisionniste, déviationniste, opportuniste de droite, opportuniste de gauche, droitier, fauteur de réaction, intellectuel gauchiste, garaudiste mal repenti [Roger Garaudy], fiszbiniste [Henri Fiszbin], fiszbinette [ibid.]...

• Outre ces particularités, la terminologie désignant les « contestataires » est à peu près identique à celle des démissionnaires et des exclus à quelques nuances près. On retrouve les mêmes dénominatifs négatifs sur les origines de classe et/ou du statut d'intellectuel : petit bourgeois, petit bourgeois dégénéré, intellectuel petit-bourgeois. On retrouve également le registre pathologique utilisé pour les exclus avec l'accusation d'instable et de névropathe. Les opposants ne sont donc pas seulement « animalisés » mais aussi « médicalisés ». On retrouve enfin bien évidemment les dénominatifs politiques intemporels et conjoncturels des démissionnaires.

Le contestataire devient un démissionnaire ou un exclu potentiel. Il est donc caractérisé avec les mêmes termes péjoratifs. Le temps de sa « dissidence » varie de quelques mois à plusieurs années, voire plusieurs décennies. Le degré de disqualification dépend du contexte politique, de la gravité de ses prises de position critiques, et de sa notoriété éventuelle.

Trois figures du "traître" dans la doxa communiste

Ce recensement des étiquetages en usage à l'intérieur du PCF a permis de montrer que, du démissionnaire à l'exclu, en passant par le « contestataire », l'impact confraternel est rarement la première vertu. Tous ces désignatifs revêtent un statut agonal : l'hostilité verbale est la règle. Cette hostilité est graduelle : d'une position inamicale, au mépris et à la haine.

Avant tout discrédit, le militant "hétérodoxe" perd d'abord la reconnaissance de sa qualité de communiste. Il subit une dénégation d'identité : il n'est plus communiste aux yeux de la communauté. Retrait de passeport. Mais cette forme de rejet hors du groupe s'arrête rarement à cette spoliation identitaire et s'accompagne de calomnies et de mensonges : il devient un adversaire à combattre.

La terminologie employée est essentiellement composée d'un lexique intrinsèquement négatif. Nombre de ces désignatifs ont en outre la particularité d'être aussi des accusations. On relève néanmoins des termes neutres, voire mélioratifs dans la doxa sociale, mais qui, dans la doxa communiste, prennent une valeur péjorative. Ainsi en est-il de l'appellatif « Monsieur », attesté pour les trois, et qui, se substituant au terme « camarade », place délibérément le militant dans le camp de la « bourgeoisie ». La disqualification ici frôle le mépris, voire l'injure.

Parmi ces accusations, implicites ou explicites, celle de trahison est prédominante. Les termes récurrents, communs aux trois figures du militant « déviant", sont traître, renégat et anticommuniste8. Non seulement ceux qui risquent une parole libre ne sont plus considérés comme « communistes » par l'institution, mais ils endossent tous la figure du « traître ». Leur désaccord vis-à-vis de la ligne officielle les assigne délibérément à la place idéologique du traître. Ils sont victimes d'une règle de conduite implicite : la règle de l'accusation de trahison. D'autres accusations plus ou moins diffamantes se greffent sur cette accusation première.

Ce « présupposé de trahison » implique un comportement de rejet de la communauté. Il est totalement intégré par les membres de l'organisation qui ne songent, jusqu'à la fin des années 60, ni à poser de question, ni à remettre en cause le bien fondé des accusations portées sur tel ou tel militant ou responsable. Citons à l'appui l'observation de Philippe Robrieux (1977 : 97) :

« N'étaient-ce pas des "ennemis du Parti", des "salauds" ? J'étais désormais trop imprégné des mœurs du Parti pour réagir autrement. Dans notre univers, quand la mention "ennemi du Parti" était décernée à quelqu'un - inévitablement assortie du qualificatif de "salaud" -, tout était dit. Et il n'était nul besoin de preuves : la rumeur procédait à son travail terrifiant de termite : " Le Parti sait qu'un tel est un ennemi, un salaud. - Un tel, pas possible ? - Si, le Parti l'a su. " Comment ? Pourquoi ? Nul ne songeait à demander des précisions. Le Parti savait. C'était une formule magique et cela suffisait. D'ailleurs, c'était la coutume, le vocabulaire usuel. Ces habitudes et ces réflexes étaient enracinés en nous ».

Le rejet collectif du militant « hétérodoxe » est un rejet actif fonctionnant comme ciment du groupe. Sa cohésion en effet est renforcée non seulement par la fraternité entre ses membres, mais aussi par la diatribe commune dirigée contre celui qui s'écarte de « la ligne ». Les autobiographies politiques abondent dans la description d'une fraternité, d'une solidarité et d'un partage au sein du « Parti » avec les différents camarades. Mais ce climat chaleureux s'évanouit pour le militant "déviant" : le langage fraternel s'efface au profit d'un langage virulent, l'appellatif chaleureux se métamorphose en injure : le « cher camarade Fernand » devient le « renégat Dupont ».

Ces désignatifs dépréciatifs, voire calomnieux et injurieux, constituent des "Face threatening acts"9 pour les militants critiques dans la mesure où ils agissent comme blessure narcissique et mise en péril identitaire. Cette hostilité verbale s'accompagne d'une hostilité non-verbale de la communauté : une hostilité physique passive et active. L'hostilité physique passive se décline par une stratégie d'évitement du contact, la gène, le dos tourné et le changement de trottoir, le refus d'un regard ou d'une poignée de main, le refus délibéré de communication, et des attitudes d'aversion. L'hostilité physique active est une atteinte corporelle allant du crachat au visage, aux coups, et à la mort (pendant la guerre d'Espagne et la seconde guerre mondiale). Cette nature agonale de la relation culmine avec l'injonction implicite à rompre avec "l'indésirable". Il devient victime d'une série de ruptures en chaîne : rupture professionnelle, amicale, familiale, amoureuse. Le couperet du reniement collectif s'abat sur lui. Isolé, humilié, accusé, calomnié, il vit alors une "traversée du désert" difficile et douloureuse. Devenu "pestiféré" aux yeux de ses proches, il paie cher sa liberté de parole et de pensée. Ce passé est néanmoins révolu.

Edulcoration langagière et suppression de la figure du traître à partir des années 90

• On note une inflexion du discours injurieux à partir des années 80 : des qualificatifs insultants en nette diminution et la disparition des campagnes calomnieuses qui entouraient toute exclusion ou démission de responsables importants. Avec elles, l'accusation du « double jeu » (flic, agent du gouvernement) devenue peu crédible. Disparition également du langage hygiéniste d'épuration et de la « diabolisation ».

« Traître » et « renégat » sont en perte de vitesse avant de disparaître du vocabulaire communiste au cours des années 90. La suppression de ces termes entraîne la disparition de l'accusation explicite de trahison, mais néanmoins l'accusation persiste encore plusieurs années en s'exprimant implicitement par le biais des métaphores. Dans les brefs communiqués de L'Humanité informant ses lecteurs d'une démission, les intellectuels et responsables démissionnaires des années 80 sont toujours accusés « d'anti-communisme » mais le quotidien retrouve l'usage de leur prénom ou, position intermédiaire, l'initiale du prénom, par rapport au seul patronyme du passé.

L'accusation « d'anti-communisme » persiste par contre explicitement par la direction jusqu'au début des années 90 et disparaît peu à peu des articles de L'Humanité. Le discours officiel devient de plus en plus pondéré, notamment par l'utilisation généralisée du registre implicite. D'autre part les anciens démissionnaires et exclus recouvrent officiellement leur titre de « communiste » en novembre 1998, titre dont ils avaient été systématiquement privés jusqu'alors :

« Nous considérons toutes celles et tous ceux que les conflits et difficultés politiques passés ont contraints ou conduits à l'écart de la vie du Parti comme des communistes à part entière, adhérents de plein droit, s'ils le souhaitent. » L'Humanité, 19.11.1998, p. 22.

Enfin toute virulence discursive à l'encontre du militant en désaccord est suspendue au milieu des années 90. L'heure est au dialogue et non à l'anathème d'antan. Les années 2000 confortent cette baisse du registre agonal, verbal et non-verbal. Les procédés de dénégation identitaire, de disqualification, d'accusation de traîtrise et de calomnie n'ont plus cours aujourd'hui. L'hostilité physique passive et active, également. De même la « pression à rompre du Parti » avec l'élément « déviant ». Plusieurs facteurs ont contribué à cette évolution.

• Quatre facteurs explicatifs :
Cette édulcoration langagière doit être replacée dans son contexte. Quatre éléments explicatifs sont à prendre en compte :

. Elle s'inscrit d'abord dans le contexte international de l'effondrement des régimes communistes de l'Est : la disparition du « modèle soviétique » laisse le PCF orphelin.

. Elle s'inscrit également dans un contexte politique français qui se caractérise par le consensus et l'usage du registre implicite, un discours politique plus policé alors que pendant la guerre froide l'heure était à la virulence verbale des deux bords.

. Elle s'inscrit aussi dans le contexte national de l'affaiblissement du PCF : importante hémorragie de ses effectifs, perte d'influence dans la société française et la vie politique, lourdes pertes électorales. Fragilisé, il tente d'arrêter ses pertes massives d'adhérents et d'électeurs par un changement de direction en 1994 avec Robert Hue. Le nouveau Secrétaire national afficha une volonté de « mutation » en proclamant le débat et la liberté de parole à l'intérieur du parti et la fin de l'anathème d'antan. Le désaccord politique exprimé n'est plus considéré officiellement comme un acte anti-communiste ou un acte de trahison. Il donna d'autre part quelques signes de remise en cause du passé stalinien du PCF par rapport aux exclus. Ce changement s'inscrit dans le contexte d'une disparition complète de la pratique de l'exclusion. Il faut, pour être en accord avec cette « ouverture » proclamée, bannir tout signe d'autoritarisme et euphémiser son discours à l'égard de ses contestataires. Un changement de perception s'est donc indéniablement amorcé à l'égard des militants critiques et des anciens communistes. La représentation axiologique de l'institution serait donc aujourd'hui nettement moins dépréciative, même si une certaine défiance demeure.

. Un dernier élément explicatif est à prendre en compte. Dans son mode de fonctionnement et son discours, le PCF a perdu toutes ses spécificités d'antan : il ne se caractérise plus par une idéologie forte, ne proclame plus la révolution, ne fonctionne plus en système clos, et n'est plus un parti autoritaire et monolithique (suppression du "centralisme démocratique", acceptation de tendances, fin de l'exclusion…). L'identité communiste a perdu ses contours et s'est diluée. Ainsi la figure du "traître" ne disparaît pas seulement du discours communiste par une attitude plus clémente de l'institution à l'égard de ses contestataires. Elle disparaît aussi faute d'existence : l'hétérodoxie n'existe que par rapport à une orthodoxie. Dans la mesure où cette orthodoxie s'est délitée, la parole contestatrice n'en est plus une. Les trois figures de traîtrise appartiennent au passé. Les noms d'oiseaux se sont envolés...

Notes

1 Apostrophe de Maurice Thorez rapportée par Auguste Lecoeur dans l'article de Liégeois et Curzi.

2 On le trouve notamment sous la plume d'Aragon dans son livre Les Communistes.

3 On lit l'accusation de "trahison" non seulement dans la presse communiste, mais aussi dans les ouvrages édités par le PCF. Ainsi paraît en 1950 un petit livre de Jean Kanapa, Le Traître et le prolétaire, ou l'Entreprise Koestler and Co Ltd, aux éditions Sociales. Arthur Koestler est écrivain et fut membre du parti communiste allemand de 1931 à 1938, date à laquelle il démissionna. Il publia ensuite divers ouvrages critiques dénonçant le totalitarisme communiste (essais, autobiographies politiques, fictions).

4 L'écrivain Paul Nizan, démissionnaire en 1939, fut cité par Thorez comme le cas type du « » ; dans son article. L'écrivain est également un «  espion, un agent de la police... peureux et servile ». Les accusations contre Paul Nizan seront reprises et répétées après, et malgré sa mort, jusqu'en 1949 : Nizan a "renseigné le ministre de l'Intérieur", il a été un "agent du gouvernement" ! Henri Lefebvre et Aragon participeront à cette campagne de calomnies.

5 Le responsable Pierre Célor fut accusé par Henri Barbé d'être un indicateur de police infiltré (pour le seul motif qu'il avait un oncle agent de police !). L'accusateur fut accusé à son tour deux ans plus tard du même chef d'inculpation et les deux anciens dirigeants furent au final attaqués pour avoir "constituer un groupe policier" (!). L'accusateur devenu à son tour accusé est un processus récurrent au sein de tous les partis communistes.

6 « Il faut se "débarrasser" des mauvais communistes, "épurer" ceux qui sont engagés dans une "déviation". Profiteurs, bureaucrates, opposants, réels ou fictifs, nul n'est à l'abri de la purification bolchevique. Essayons de comprendre pourquoi l'ennemi est présenté comme insecte, parasite. (…) Le parasite est un déchet vivant, un superflu dangereux qui n'existe que de surcroît, menaçant de mort celui qui le supporte. Aussi sa mort n'en est-elle pas une, à la rigueur, puisqu'il ne subsiste pas de lui-même : il survit en tuant son hôte. Tuer le parasite, c'est assurer l'existence de celui qui travaille, qui produit, qui a droit au pain. La mort de l'insecte nuisible n'est pas celle d'un semblable. On ne tue pas quelqu'un, mais quelque chose avec quoi toute réciprocité est impossible. »

7 Mouillaud, p. 127-128.

8 Les exemples sont innombrables quelle que soit la période envisagée. En 1956, année du rapport Khrouchtchev et d'une grave crise interne dans le PCF, le philosophe Henri Lefebvre, "suspect" depuis longtemps déjà aux yeux de la direction est disqualifié : « [Je me suis fait traiter] de "salaud", "renégat", "traître". Car, selon eux, j'avais cru à un document fabriqué par les services secrets américains. Bref, je me suis fait traîner dans la boue. » Témoignage paru dans l'enquête de Liégeois et Curzi, p. 23.

9 L'expression de "Face threatening act" (FTA) est proposée par Brown et Levinson pour désigner les actes menaçants pour les deux faces de l'individu : sa face négative (ou territoire) et sa face positive (ou narcissisme).

Works Cited

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Gaudard, Jean-Pierre. Les orphelins du P.C. Paris : Belfond, 1986.

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Le Roy Ladurie, Emmanuel. Paris-Montpellier, PC-PSU, 1945-1963. Paris : Gallimard, 1982.

Liégeois, J.P. et L. Curzi. « A quoi sert le PCF ? » L'Unité, 12.10.1984, p.22.

Mouillaud, Maurice. "Les "liquidateurs" ou le nœud coulant". Les Temps modernes, n° 489, avril 1987.

Robrieux, Philippe. Notre génération communiste: 1953-1968. Paris : Robert Laffont, 1977.

Roy, Claude. Nous : Essai d'autobiographie. Paris : Gallimard, 1972.

---. Somme toute. Paris : Gallimard, 1976.

Thorez, Maurice. « Les traîtres au pilori ». The communist International, n° 3, mars 1940, pp. 170-178.

Verdès-Leroux, Jeannine. Le réveil des somnambules. Le parti communiste, les intellectuels et la culture (1956-1985). Paris : Fayard/Minuit, 1987.

S'ajoutent à ces références d'autres sources, notamment des entretiens, conversations téléphoniques et échanges épistolaires avec de nombreux anciens communistes.